Philippe de Moerloose: "Les grands groupes belges ont disparu d'Afrique"
L’ECHO,
édition du jeudi 17 octobre 2013
Philippe
de Moerloose: "Les grands groupes belges ont disparu d'Afrique"
"L'Afrique a toujours eu une image négative
mais elle connaît aujourd'hui une croissance de 7 ou 8%." Philippe de Moerloose
Interview : Luc Van Driessche
Depuis
1991, Philippe de Moerloose fait de l'Afrique son champ d'action.
Demimpex, la société coopérative qu'il avait alors créée, est aujourd'hui un
vaste holding qui chapeaute une série de filiales employant 3.000 personnes
(dont une centaine en Belgique) et qui est présent dans 25 pays d'Afrique. Pour
lui, il y a de la place à prendre pour d'autres entreprises belges.
Qu'est-ce
qui vous a amené à lancer une activité économique en Afrique?
J'ai fait mes études primaires et secondaires à Lubumbashi.
Je suis ensuite revenu en Belgique pour étudier à l'Ichec. Mais dès mon plus
jeune âge, je savais que l'activité que j'allais développer serait centrée sur
l'Afrique.
Pourquoi
ne pas vous étendre dans d'autres régions du globe?
Culturellement
et sentimentalement, je suis très attaché à l'Afrique. J'ai vécu de 3 à 18 ans
en RDC, ce qui m'a permis de nouer des liens forts avec ce continent magnifique
et très attachant, qui offre un beau potentiel de développement.
L'Afrique
est pourtant perçue comme un continent qui tarde à se développer.
C'est
vrai. L'Afrique a toujours eu cette image négative mais elle connaît
aujourd'hui une croissance de 7 ou 8%. Quand on parle de l'Afrique, c'est
souvent pour évoquer des coups d'État ou des guerres civiles alors qu'il y a
tant de belles choses qui s'y passent. Cela fait 22 ans que nous nous sommes
lancé le défi de déployer nos activités sur le continent africain. Aujourd'hui,
force est de constater que cette décision était la bonne. Le groupe a connu une
belle croissance alors que l'Europe ou les Etats-Unis sont en crise.
Le
regain d'activité attire-t-il les investisseurs étrangers?
L'image
de l'Afrique a changé. C'est parce qu'on parle de plus en plus de crise sur les
autres continents que l'on parle aujourd'hui de l'Afrique. C'est la première
fois de l'Histoire que des multinationales viennent y investir à coup de
milliards. Ce n'était jamais le cas auparavant. Durant les décennies
précédentes, tout le monde allait en Afrique pour des opérations à court terme.
Peu de groupes internationaux ont fait comme nous le choix d'investir
durablement sur le continent africain. Aujourd'hui, de plus en plus de groupes
internationaux américains, australiens ou sud-africains investissent en
Afrique, notamment dans le secteur minier.
Vos
activités étaient au départ centrées sur la RDC. Quelle part représente
aujourd'hui ce pays dans vos revenus?
Moins
de 10% en distribution. Nous bénéficions aujourd'hui d'une très belle
diversification géographique puisque nous sommes présents dans 25 pays.
Vous
comptez poursuivre cette diversification?
Oui.
Le groupe ambitionne de couvrir tout le continent. Il nous reste de nombreux
pays à découvrir, en particulier en Afrique anglophone, dans l'Est notamment,
tout en restant dans notre corps de métier: distribution automobile, d'engins
de chantier ou agricoles. La distribution requiert un grand savoir-faire. La
concurrence, en particulier celle qui vient de Chine, nous oblige à être
pointus dans notre domaine d'activité.

Tout
d'abord la connaissance du continent et de sa culture. Nous disposons aussi de
services logistiques très performants et de stocks importants sur nos trois
grandes plateformes de stockage (Anvers, Dubai et Shenzhen), qui nous
permettent de réduire au maximum les délais de livraison, ce qui est très
important. Nous avons aussi des services après-vente efficaces.
Vous
êtes aussi un distributeur automobile. La voiture neuve en Afrique offre-t-elle
des perspectives?
Les
voitures d'occasion exportées par bateaux entiers, c'est de l'histoire
ancienne. Plusieurs pays interdisent aujourd'hui l'importation de véhicules de
plus de 3 ans. L'Afrique connaît l'émergence d'une classe moyenne qui peut
investir dans l'achat de petits véhicules. Le monde bancaire évolue aussi.
Jusqu'il y a 6 ou 7 ans, il était impensable d'avoir un crédit automobile en
Afrique. Aujourd'hui, les grandes banques du continent offrent de tels crédits,
certes à des taux plus élevés qu'en Europe.
Il y
a 3 ans, vous exprimiez le regret de voir des entrepreneurs belges quitter le
Congo. Cette évolution s'est-elle confirmée?
Quand
j'étais étudiant au Congo, de nombreux groupes belges étaient présents, que ce
soit dans le monde bancaire, de l'industrie, des matières premières, de la
construction. Aujourd'hui, force est de constater que ces grands groupes ont
disparu. D'autres ont pris la place, notamment les Chinois, qui se sont
développés à une vitesse insoupçonnée.
Vous
pensez que la place est prise?
Ce
sera très difficile de revenir. Ces grandes sociétés investissent alors que la
Belgique en est toujours à organiser des missions de prospection. Aujourd'hui,
je ne crois pas que le monde économique en Afrique subsaharienne attende des
prospections. On y attend du concret.
Quels
créneaux d'activités pourraient favoriser le retour d'entreprises belges en
Afrique?
Tout
est à faire sur ce continent: électricité, infrastructures, agriculture,
distribution, activités portuaires. Le tout c'est d'y croire. C'est vrai que
l'Afrique n'est pas simple à gérer, mais le Belge a une grande faculté
d'adaptation. L'Afrique a ses limites et ses contraintes, notamment les
tracasseries administratives, mais elle offre quand même un potentiel de
croissance.
LUC VAN
DRIESSCHE
Présent en Afrique depuis 1991, l'homme d'affaires belge Philippe de Moerloose appelle les entreprises du pays à investir dans un continent qui connaît une croissance de 7 à 8%.
Déjà présent dans 25 pays, son holding SDA entend s'étendre dans les pays anglophones de l'est de l'Afrique.
Philippe de Moerloose vise un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros en 2014. Il mise pour cela, notamment, sur la croissance de ses activités de distribution de voitures, d'engins de chantier et de pièces détachées.
L'Echo,
17/10/2013, page 19: Philippe l'Africain,115e fortune de Belgique
Philippe
l'Africain,115e fortune de Belgique
Pour
le grand public, Philippe de Moerloose est pratiquement un illustre
inconnu. En Afrique, il a pignon sur rue. Cet homme d'affaires discret a en
effet réussi, en un peu plus de vingt ans, à y transformer une petite société
d'import-export - Demimpex - en un vaste conglomérat, SDA, pesant quelque 860
millions d'euros de chiffre d'affaires. Qui, l'air de rien, fait de Philippe
de Moerloose la 115e fortune du pays avec quelque 94 millions d'euros dans
sa besace.
Débarqué
à l'âge de 3 ans à Lubumbashi (Katanga), où son père avait accepté un poste de
comptable, Philippe de Moerloose ne reviendra au pays qu'à 18 ans pour y
effectuer ses études supérieures à l'Ichec. Il sait déjà que sa passion pour
les affaires se concrétisera en Afrique.
Demimpex
- "de Moerloose Import-Export" - voit le jour en 1991. Son activité:
l'exportation de pièces détachées de voitures vers le Zaïre, le Rwanda et le
Burundi. Le véritable envol se produit 4 ans plus tard, avec le rachat de VRP
(Vehicle Repair Parts), une entreprise spécialisée dans la vente de grandes
marques automobiles et la livraison sur site de véhicules et de matériel
industriel et minier. Philippe de Moerloose se constitue ainsi, d'un
seul coup, un vaste réseau qui lui permet de s'étendre progressivement en
Afrique occidentale et du nord. Aujourd'hui, le groupe distribue des voitures -
Nissan, Ford, VW, Mercedes, Hyundai, Dacia -, des poids lourds - Volvo,
Mercedes - et des engins de chantier (Hitachi, John Deere) et agricoles (John
Deere). Sa clientèle est très diversifiée: groupes de BTP et de génie civil,
sociétés minières, transporteurs, pouvoirs publics…
Le
portefeuille de SDA s'est surtout développé dans les années 2000. A ce moment,
l'appétit de Philippe de Moerloose paraît inextinguible. Il se lance
dans des activités industrielles - tubes en PVC, charpentes métalliques,
citernes, sous-traitance minière… - et rachète une société de gardiennage qu'il
redresse avant de la revendre en 2006 à G4S, avec une belle plus-value à la
clé. Il acquiert aussi deux hôtels au Congo, un pays qui ne représente plus
aujourd'hui que 10 % du chiffre d'affaires mais qui reste un des centres
nerveux du groupe. Et un point d'attache pour Philippe de Moerloose,
dont les liens avec le président Joseph Kabila et son entourage sont de
notoriété publique.
Compagnie
aérienne
Très
vite, de Moerloose a aussi compris que pour réduire au maximum le temps de
livraison, la voie aérienne était incontournable. Il lance sa propre compagnie,
Demavia Airlines, qui loue des avions et les affrète deux fois par semaine
entre Bruxelles et Kinshasa. Elle sert les filiales du groupe, mais surtout de
grands noms du transport aérien.

Le
pôle de croissance numéro un de SDA reste la distribution de véhicules,
d'engins et de pièces détachées. Philippe de Moerloose ambitionne
toujours de porter le chiffre d'affaires de son groupe à 1 milliard d'euros dès
2014. L'Afrique de l'Est et le Maghreb sont plus particulièrement ciblés.
À 46
ans, Philippe de Moerloose passe une bonne partie de son temps sur le
continent africain. Ce qui n'empêche pas ce père de trois adolescents de
continuer à suivre de près les jeunes de l'école du Tennis Club du Bercuit,
dont il est le propriétaire.
L.V.D.
LUC VAN
DRIESSCHE
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de Moerloose ; Demimpex ; SDA ; Afrique ;
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